TRAJETS DE MITHRA EN SYRIE ROMAINE*

II y a un demi-siècle, le regretté Ernest Will pensait que le culte de Mithra devait avoir été beaucoup plus répandu en Syrie romaine qu'on ne le croyait généralement. Le culte « semble avoir été très semblable à ce qu'il fut dans les autres provinces de l'Empire, non moins large que là, mais aussi non moins indépendant de traditions iraniennes anciennes » l. Inversement, l'auteur du bilan le plus récent souligne le décalage entre l'intensité de l'occupation militaire romaine pendant plusieurs siècles et le manque d'éclat des restes archéologiques du culte de Mithra. Il en déduit que le mithriacisme en Syrie fut en réalité « infréquent et pauvre » 2. Cependant, des trouvailles très récentes — le mithreum d'Hûarte, le relief du Musée d'Israël à Jérusalem dont je parle infra, peut-être aussi le sanctuaire peu typique de Kha'ara de Trachonitis (al-Lejâ) -, qu'il ne pouvait connaître et qui ont toutes un caractère plutôt idiosyncratique, suggèrent qu'on aurait tort de tirer des conclusions trop hâtives : Will lui-même, tout en reconnaissant le fait que le culte de Mithra fut introduit à Doura-Europos par l'armée romaine, insistait sur le rôle probable de la population gréco- syrienne des cités littorales et de la vallée de lOronte.

Ce dossier collectif dédié aux aspects pluriformes du culte de Mithra en Syrie permet de présenter un nouveau bilan du culte, en laissant aux archéologues spécialistes le soin de traiter des points particuliers ; il offre aussi l'occasion de revenir sur la question jadis posée par Will à propos du caractère du culte en Syrie. Après avoir évoqué les trouvailles les plus significatives, je me propose d'aborder deux questions : 1) Comment le culte de Mithra a-t-il pénétré

Topoi 11 (2001) [2003] p. 77-136