Zarathusthra et la tradition mazdéenne
Jean Varenne. — Zarathushtra et la tradition mazdéenne, coll. « Maîtres spirituels », n° 35, Éditions du Seuil, Paris, 1966, 181 p. —
Vouloir tracer en moins de deux cents pages un tableau complet de la tradition mazdéenne est certes une gageure, mais tel n'est pas le but du petit ouvrage que nous offre J. Varenne, qui a surtout cherché à dépeindre la personnalité du prophète et son message, en mettant l'accent sur quelques aspects particuliers du zoroastrisme, en particulier sur ses origines et sur sa forme moderne, le parsisme, telle qu'il a pu lui-même l'observer sur place, au cours d'un séjour en Inde. C'est ainsi qu'il examine assez longuement comment le mazdéisme est né à partir des virtualités propres aux peuples indo-européens, et surtout aryens, utilisant pour cela la connaissance particulière qu'il a de l'Inde ancienne, et faisant ainsi un large emploi de l'analogie pour tenter de suggérer tout ce qui nous échappe, faute de documents, dans les origines lointaines du zoroastrisme. Puis il s'attarde à montrer comment la religion aryenne pouvait évoluer dans deux directions différentes, et qu'ainsi le ritualisme, tendant à faire des dieux de simples « fictions grammaticales » qui n'ont plus de rapport avec le sacrifice où seule la formule rituelle compte et est efficace, devait triompher en Inde, alors qu'en Iran, la dévotion, la « bakhti », et la morale garderont leur vigueur mais se réfugieront en Inde dans les cultes populaires.
L'auteur expose ensuite rapidement ce qu'on sait de Zarathushtra, de sa vie et de son œuvre, de sa doctrine, puis la question des mages, et du culte du feu. On regrettera peut-être que la période d'apogée du mazdéisme, sous l'Empire sassanide, soit à peine esquissée, ainsi que la période islamique. Mais un long chapitre sur les Parsis de l'Inde nous relate leurs origines et leur religion actuelle, à Bombay, à partir des connaissances concrètes de l'auteur et de l'ouvrage bien documenté de J. J. Modi, The religious ceremonies and customs of the Parsis (Bombay). Les différents sacrements d'initiation, de mariage, les funérailles, sont décrits, et ce chapitre s'achève sur des remarques relatives à l'inadaptation du parsisme face au monde moderne, parce qu'il se réduit aujourd'hui pour le fidèle à un ensemble de rites et de tabous assez incompréhensibles. On peut regretter que les termes techniques empruntés à Modi n'aient pas été retranscrits sous une forme plus adéquate et plus conforme à la phonétique telle que nous la connaissons maintenant par les travaux plus récents effectués depuis (par exemple, Druj-i-Nasush, p. 86; Mèshehèd, p. 45 et sur la carte à la fin du volume, pour Meshed). Dans une dernière partie, l'ouvrage contient un choix de textes empruntés à l'Avesta, et à d'autres sources : on appréciera. surtout les extraits du Zarathusht-Nama, écrit persan tardif, tout, imprégné de légendes dorées, qui sont beaucoup plus rarement citées que les textes des Gâthâ qui terminent ce choix, ainsi que quelques prières parsies. L'emploi de termes religieux chrétiens (sacrements, actes d'espérance, de contrition, etc.) permet sans doute au grand public, auquel ce livre est destiné, de mieux cerner les réalités mazdéennes, mais n'est pas, à notre avis, bien adapté. Mais au demeurant, ce petit, livre, fort bien écrit, agréable à lire et joliment illustré, apportera à quiconque s'intéresse au mazdéisme, une initiation et une présentation d'ensemble utile à consulter.
Ph. Gignoux
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